Les Dangers qui Guettent les Démocracies

Je lisais ce matin un poste qui disait que le CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) considérait que l’expression « islamo-gauchiste » était devenue un slogan politique sans fondement scientifique. 

Despuis quand la langue est-elle devenue un organisme mort et pouvait être l’objet de pures décisions scientifiques, à l’insu du sens que lui octroient ses parleurs?  Cela m’a donné froid dans le dos. L’un de ces mauvais pressentiments sans fondement scientifique, mais pas moins réels. Car quand la science se met au service des institutions ou des partis, nous sommes en danger.

Rappelons-nous des paroles visionnaires d’Orwell dans 1984.

Il n’appartient à aucune institution, quelle qu’elle soit, de définir arbitrairement le sens des mots. La langue est un organisme vivant, façonné par celles et ceux qui la parlent.
Ce sont les locuteurs qui, par leur usage, font évoluer le sens et la portée des expressions.

Orwell nous avertissait que « celui qui contrôle le langage contrôle la pensée ».
Dans 1984, la novlangue ne se contente pas de déformer les mots : elle les réduit, les appauvrit, les vide de leurs possibles interprétations. Car réduire le champ du langage, c’est réduire le champ du pensable.

Cynthia Fleury, de son côté, nous rappelle avec lucidité que « la démocratie meurt de perdre ses mots ».
Extirper les mots de leurs possibilités herméneutiques, c’est appauvrir la pensée, mutiler le débat, et miner les conditions mêmes de la liberté critique.
Lorsque la langue cesse d’être un espace commun de création de sens pour devenir un instrument de pouvoir, la démocratie vacille.

Lorsqu’un État ou ses institutions s’arrogent le droit d’imposer une définition officielle, détachée de la réalité linguistique et de la conscience collective, alors la société s’engage sur une pente dangereuse.
C’est le langage lui-même, et donc la pensée, qui se trouve sous contrôle.
À ce stade, il ne s’agit plus d’un débat sémantique, mais d’un symptôme annonciateur d’un glissement autoritaire.

La France traverse, à cet égard, un moment charnière : à force de vouloir encadrer la parole et la signification, elle court le risque de réveiller, sous des formes nouvelles, les réflexes d’un régime de contrôle idéologique fût-il vêtu des habits progressistes de la gauche radicale. Préserver la liberté des mots, c’est préserver la liberté des esprits.

Et lorsqu’un pays commence à réglementer la signification, il commence aussi, insidieusement, à réglementer la pensée.

 


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